воскресенье, 21 июля 2013 г.

დე გოლი,მახვილი და ჯვარი

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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22 Décembre 2011

 Claude Jacquemart

De Gaulle, l’épée et la croix



De Gaulle à Notre-Dame de ParisTout au long de sa vie politique, il fut confronté à un dilemme : la nécessité de concilier la raison d’État avec les exigences de sa foi.
Les témoignages concordent : de Gaulle vécut avec la foi chrétienne chevillée au corps. « L’Église fait partie de sa vie », affirmait l’agnostique André Malraux. « Que de Gaulle ait été catholique d’un bout à l’autre de sa vie paraît évident », constatait le père Bruckberger, dominicain et aumônier général des Forces françaises de l’intérieur. « Sa foi est indéracinable », disait la future carmélite Élisabeth de Miribel, sa secrétaire de la France libre.

Au début de la guerre, lors de son épopée africaine, un administrateur de la France d’outre-mer en poste au Gabon, connu pour ses liens avec la franc-maçonnerie, lui lance à brûle-pourpoint : « Est-il vrai que vous êtes catholique pratiquant ? » « Oui, et après ? », répliqua le Général. Lui-même déclara en 1959 au journaliste américain David Schoenbrun à propos de la France et de son destin : « L’élément décisif pour moi, c’est que Clovis fut le premier roi à être baptisé chrétien. Mon pays est un pays chrétien et je commence à compter l’histoire de France à partir de l’accession d’un roi chrétien qui porte le nom des Francs. »

Le milieu familial et l’éducation eu rent un rôle primordial. Le père, Henri de Gaulle, adepte de Maurras et “monarchiste de regret”, fut l’un des plus ardents défenseurs de l’enseignement libre et fit la plus grande partie de sa carrière, comme professeur puis préfet des études, au collège de l’Immaculée-Conception à Paris, un établissement réputé tenu par les jésuites. Sa mère, Jeanne Maillot, ne le cédait en rien à son époux : son fils témoignera qu’elle « portait à la patrie une passion intransigeante à l’égal de sa piété religieuse ».
Quant aux maîtres à penser, ils se nomment Charles Péguy (« Aucun écrivain ne m’a autant marqué », dira de Gaulle), Henri Bergson (« Il m’a fait comprendre la philosophie de l'action » ), Emile Boutroux ( « La vocation de l’homme est d’être maître des vents et des flots » ), Maurice Barrès, Ernest Psichari…
Se lançant en juin 1940 dans la grande aventure de la France libre (la croix de Lorraine contre la croix gammée), Charles de Gaulle prend cependant en compte une double réalité : voulant rassembler les Français, il ne saurait exclure personne – à l’exception de ceux qui, délibérément, ont choisi de collaborer avec l’ennemi. L’idée républicaine étant désormais ancrée en France, il ne peut être question de la remettre en question autour d’un autre projet.
Ainsi vont se retrouver à Londres un catholique emblématique comme Georges Thierry d’Argenlieu, officier de marine qui deviendra amiral dans la France libre avant de rejoindre un couvent, mais aussi le juif René Cassin, rédacteur de la Déclaration universelle des droits de l’homme que l’Onu adoptera en 1948. Sans compter Pierre Dac, juif lui aussi, ou l’avocat André Weil-Curiel, qui était également socialiste et maçon, parmi d’autres.
L’Église de France restera prudente, voire hostile, à l’égard de l’exilé de Londres qu’aucun de ses dignitaires ne ralliera. Rendant à César ce qui est à César, la plupart des prélats reconnaissent l’autorité du maréchal Pétain. S’y ajoute le respect affectueux envers le vainqueur de Verdun, dernier général en chef des armées françaises de la Grande Guerre (51 des 96 futurs évêques et archevêques de 1940 ont alors été mobilisés).
Intervient enfin la peur du communisme qui fera dire au cardinal Baudrillart, recteur très écouté de l’Institut catholique de Paris, après le début des hostilités entre l’Allemagne et la Russie : « Voici les temps d’une nouvelle croisade. » Cela n’empêchant d’ailleurs pas des prélats loyaux à l’égard du pouvoir de secourir, à leurs risques et périls, des juifs persécutés, tel Mgr Piguet, évêque de Clermont-Ferrand, qui sera déporté au camp de Dachau et recevra en 2001, à titre posthume, la médaille de Juste parmi les nations.
L’attitude du haut clergé trouvera sa sanction à la Libération quand, le 26 août 1944, le père Bruckberger et les chefs de la Résistance feront interdire l’entrée de Notre-Dame de Paris au cardinal-archevêque, Mgr Suhard, afin de permettre au général de Gaulle d’y entendre un Te deum. Motif : Mgr Suhard avait reçu solennellement, quatre mois plus tôt, le maréchal Pétain et présidé, en juillet 1944, un service funèbre à la mémoire de Philippe Henriot, le chantre de la collaboration, assassiné par des résistants.
Or cette humiliation ne correspondait pas au voeu du Général, qui s’y résigna, écrira-t-il dans ses Mémoires, en raison de « l’état de tension » régnant alors parmi les combattants de la Libération. Bien avant celle-ci, il avait manifesté son souci de rassurer l’Église quant à ses intentions. C’est ainsi que, reçu à sa demande, en juin précédent, par le pape Pie XII, grâce à l’intercession du cardinal Tisserant, robuste prélat à la barbe abondante qui résidait à Rome et ne cachait pas ses sentiments gaullistes, il lui avait affirmé le « respect filial du peuple de France ». Le 20 septembre 1944, oubliant l’incident de Notre-Dame, il accordera une audience au cardinal Suhard et lui fera comprendre que le nouveau régime a besoin de l’Église. Et le 9 mai 1945, Mgr Suhard présidera la messe et le Te deum de la victoire dans sa cathédrale, en présence du Général et de son épouse.
Journaliste, ancien directeur du Pèlerin, Gérard Bardy consacre aux convictions personnelles du Général une étude considérable. Il souligne notamment que « l’épuration dans l’Église sera la plus indolore possible, surtout si on la compare à celle qui a eu lieu dans l’administration, la justice, l’armée ou les milieux intellectuels ». Pour de Gaulle, le destin de la France – même si la laïcité de l’État est la règle – reste inséparable de celui du catholicisme romain dont Clovis, quinze siècles plus tôt, était devenu le bras séculier.
Mgr Roncalli, le meilleur pape pour la France
Il obtiendra le rappel du nonce apostolique, Mgr Valerio Valeri, à ses yeux trop compromis avec le régime de Vichy, que Pie XII remplacera par Mgr Giuseppe Angelo Roncalli. Moyennant quoi, Mgr Valeri repartira pour Rome avec les honneurs militaires et sera fait commandeur de la Légion d’honneur…
Jusqu’à sa démission, en janvier 1946, le Général va entretenir des relations de totale confiance avec Mgr Roncalli dont il a mesuré, sous ses dehors de prélat débonnaire, l’intelligence et la hauteur de vue. De son côté, le nouveau nonce saura mener une politique habile d’apaisement entre le Saint-Siège et le gouvernement français. Georges Bidault, successeur de Jean Moulin à la présidence du Conseil national de la Résistance et figure de proue de la démocratie chrétienne, lui présentera une liste de « 30 évêques à démissionner » en raison de leur adhésion au régime de Vichy. En tête de liste, le cardinal Suhard. Mgr Roncalli rayera le zéro du chiffre 30 d’un trait de plume.
Par une étonnante coïncidence, les destins du Général et de Mgr Roncalli vont se croiser à nouveau en 1958. En mai, de Gaulle revient au pouvoir. Le 9 octobre, Pie XII meurt. Aussitôt, celui qui n’est encore que le dernier président du Conseil de la IVe République agonisante convoque à Paris, en urgence, l’ambassadeur de France au Vatican, Roland de Margerie, envoyant même son avion à Rome pour hâter son retour. Les deux hommes aboutissent à la conclusion que le meilleur candidat à la succession de Pie XII serait Mgr Roncalli.
De Gaulle fait passer le message à son fidèle cardinal Tisserant et aux cardinaux étrangers qui, au Vatican, sont les plus proches de la France. Il mobilise également Mgr Feltin, ancien archevêque de Bordeaux (l’un de ceux dont Bidault voulait la tête), devenu cardinal-archevêque de Paris en 1949, ainsi que Wladimir d’Ormesson, ambassadeur auprès du Saint-Siège de 1948 à 1956.
Le jour de l’ouverture du conclave, le Général adresse un télégramme de soutien à Mgr Roncalli, qui lui répond « en termes on ne peut plus aimables et complices ». Le 28 octobre 1958, Mgr Roncalli, élu pape, devient Jean XXIII. Le Général adresse au nouveau souverain pontife « l’hommage de [son] filial respect ». De Gaulle écrira à Mgr Grente, cardinal-archevêque du Mans : « Sans nul doute, l’élection du pape Jean XXIII est un bienfait pour la France. » Le 27 juin 1959, le président de la République, accompagné par sa femme, accomplit un voyage officiel au Vatican. Devant le pape, il s’agenouille. En réponse aux paroles de bienvenue du Saint-Père, il déclare : « Nous déposons, au nom de la France, nos respects à ses pieds. »
“Charles le catholique”, pour reprendre le titre de Gérard Bardy, suscita des dévouements exemplaires ; il provoqua aussi des haines inexpiables. Ce fut d’abord, à partir de 1940, sa volonté d’affirmer sa légitimité face au gouvernement de Vichy. Du même coup, les serviteurs de ce régime deviendront des traîtres qu’il conviendra, le moment venu, de punir selon leurs “fautes”, les épurateurs dépassant souvent le désir du Général lui-même. Ce fut aussi, lors de la tragédie algérienne, le lent cheminement de “la France de Dunkerque à Tamanrasset” jusqu’à l’indépendance avec son cortège d’horreurs, la révolte de soldats meurtris dans leur âme, le désespoir d’une population se jugeant abandonnée.
Le chrétien ordinaire se trouve seul face à sa conscience. Le chrétien porté au sommet de l’État doit concilier les impératifs de sa conscience et les de voirs de sa charge. Fallait-il fusiller Pucheu ? et Brasillach ? Fallait-ilfusiller Bastien-Thiry ? Gérard Bardy soutient, comme l’amiral Philippe de Gaulle, que l’organisateur de l’attentat du Petit-Clamart fut passé par les armes parce qu’il n’avait pas hésité à faire tirer sur une femme (Yvonne de Gaulle accompagnait son mari dans la voiture). Mais le chef des poseurs de bombes du FLN dans la casbah d’Alger, Yacef Saadi, fut gracié alors qu’il portait la responsabilité de dizaines de morts, parmi lesquels des femmes et des enfants. Bastien-Thiry avait pris ses risques, il en avait mesuré les conséquences. De Gaulle incarnait l’État. Or la répétition des attentats contre sa personne compromettait l’avenir de ce dernier. D’où sa décision assortie de la conviction que, pour un chrétien, la suppression du corps charnel ne peut réduire l’essentiel à néant. L’âme immortelle. Claude Jacquemart

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